ARMAIGNAC (Dr. H.). Voyages dans les Pampas.
350,00 €Prix
Tours, Alfred Mame et fils, 1883, in-8 (25 x 17 cm), percaline rouge. Au premier plat, noir et or, troupeau de chevaux et de bœufs (p. 63) paissant dans une prairie au bord de la mer, au soleil levant rayonnant, petit bouquet d'herbes des pampas à gauche. Au second plat, ruban central au nom de Mame avec bouquet de fleurs (p. 143) en noir, encadrement de filets, au dos herbes des pampas et titre dorés, tr. dorées, XIV-472 pp. ¦Édition originale illustrée de 22 dessins, dont un frontispice et 9 à pleine page, par Durand-Brager, Foulquier, W. Freeman, Ch. Gosselin, Jules Noël, Sargent, Yan dArgent, gravés par V. Dutertre, Huyot, Méaulle, E. Therington, Whitehead, et une carte p. 153.Avant-propos et appendice de José Luro (« État actuel de la république argentine »).Né en 1846, lauteur est docteur en médecine (1876), ophtalmologue à Bordeaux, fondateur de la Revue clinique d'oculistique. Ayant vécu en Argentine de 1868 à 1872, il a demandé à un de ses amis argentins, le docteur José Luro, de bien vouloir ajouter une mise à jour à son livre car sa visite du pays remonte à plus dune dizaine dannées.« Aujourdhui, dit Luro, le capital et lindustrie, qui envahissent tout, sont en train de changer laspect des pampas ; les champs de blé se substituent aux pâturages naturels ; les arbres remplacent la nudité primitive du sol ; les champs sentourent de fossés et de clôtures en fil de fer au lieu de rester ouverts, et le gaucho, devant ces changements que subit le sol natal, se transforme lui-même peu à peu, et perd les traits caractéristiques qui lui donnaient une physionomie si spéciale et si étrange. Le gaucho disparu, le moule dans lequel avait été coulée notre civilisation se brise, et le pays renaît à une nouvelle vie exempte du péché originel de la première, que nous avons lavé, hélas ! avec des torrents de sang dans les fonts baptismaux de nos révolutions. »Émile Labroue publie un compte-rendu du livre dans la Revue de géographie (1883), et livre son témoignage : « C'est le développement des conférences qu'il a faites devant la Société de géographie de Bordeaux. Dès les premières pages, l'auteur nous fait assister à sa traversée de Bordeaux à Buenos-Ayres. Puis il décrit la capitale de La Plata, son port peu profond et inabordable aux grands vaisseaux, ses rues tirées au cordeau, ses vastes monuments et sa population. Il fait un tableau saisissant de la désolation de cette ville lorsqu'elle fut ravagée par la fièvre jaune. De Buenos-Ayres, nous nous dirigeons vers la Pampa où l'auteur a passé plusieurs années. Ici les détails abondent ; le climat, la flore, la faune, la chasse à l'autruche, la marque des troupeaux, les saladeros, les mœurs des habitants, le gaucho et le cacique y sont l'objet de très intéressantes descriptions. De la pampa, nous allons à la frontière où l'auteur a vécu quelques mois sous la tente, pendant la campagne des Argentins contre les Indiens. A la fin du volume, un chapitre spécial est consacré à la frontière nouvelle de la République Argentine et à son extension dans la Patagonie. Au milieu de tous ces récits variés, de toutes ces descriptions pittoresques, il est un type saisissant, qui plane au-dessus de tout, et qui nous a vivement frappé : c'est le gaucho, l'habitant de la pampa. Tout ce qu'en dit le Dr Armaignac pourrait paraître extraordinaire à quelques lecteurs. Cependant, c'est encore bien au-dessous de ce que j'ai entendu naguère de la bouche même d'un Bergeracois devenu gaucho. Je rentrais de Bordeaux à Bergerac, et je me trouvais en wagon en face d'un homme à la taille élevée, au teint brun, aux traits énergiques. A peine avions-nous commencé, depuis un quart d'heure environ, une conversation banale qu'il m'entretint de son séjour dans l'Amérique du Sud : « Je suis gaucho, me dit-il ; depuis vingt ans je vis dans la pampa. Je viens revoir Bergerac, ma ville natale. Après avoir passé quelques jours auprès de mes vieux parents, et serré la main à quelques rares amis, je reprendrai le chemin de l'Amérique. » Et aussitôt il me parla avec enthousiasme de son existence dans la pampa. « Là, nous avons une indépendance absolue ; nous trouvons, partout de quoi nous nourrir. Avec le lazzo, nous prenons des animaux qui nous fournissent une excellente viande, et nous nous désaltérons à l'eau claire des sources ou des ruisseaux. Bien de ce qui est nécessaire à la vie ne nous manque. Nos familles sont nombreuses, et nous ne nous inquiétons jamais pour l'avenir de nos enfants. Nos femmes sont sans luxe et pleines de respect et d'affection. Nous sommes sobres et les maladies ne nous accablent point. On ne voit pas chez nous comme en France, des jeunes gens étiolés et rachitiques. La vieillesse est vigoureuse ; on trouve dans les familles des ancêtres dont en ignore l'âge. Nous, nous suivons en tout l'ordre de la nature ; vous, dans votre vie artificielle, que vous appelez civilisée, vous êtes constamment en lutte avec la nature ; aussi l'appelez-vous marâtre, lorsqu'elle est sans cesse bienfaisante. De là le malheur des vieilles civilisations corrompues. Dans la pampa, nous sommes plus en sûreté que dans vos grandes villes, au milieu des récidivistes. Si vos ouvriers grévistes connaissaient notre bonheur, ils émigreraient en foule. » Il entonnait ainsi son hymne à la nature entremêlé de mordantes satires contre nos mœurs, quand nous arrivâmes à Bergerac. J'avoue que j'avais été saisi par la parole rude, mais émue et sincère de cet homme énergique ; en l'entendant parler ainsi, je songeais aux poètes antiques chantant l'âge d'or. Lisez l'ouvrage du docteur Armaignac et vous y trouverez cette sincérité et cette admiration. Les membres de la Société de Géographie de Bordeaux et ceux de la section de Bergerac qui ont entendu et applaudi le narrateur dans les conférences qu'il a faites sur ses voyages, savent tout l'intérêt qui s'attache à sa parole. Cet intérêt est plus grand encore dans les pages charmantes de son ouvrage ; elles sont écrites avec une aimable simplicité qui séduit et fait aimer cotte vie primitive et naturelle, saine et forte, à laquelle nous aurions besoin de revenir un peu. Disons, en terminant, qu'à peine paru, cet ouvrage a obtenu un diplôme d'honneur du Congrès de géographie de Bordeaux et une médaille d'argent de la Société philomathique. En même temps, l'auteur recevait une médaille d'or de l'Académie des sciences et belles-lettres de Bordeaux pour ses travaux d'oculistique. De telles récompenses font honneur à M. Armaignac et assurent le succès de son livre. »Le gaucho est en effet léquivalent du cow-boy dAmérique du Nord. LArgentine, où de nombreux Français ont émigré, a fait lobjet dun autre livre à plat historié superbe, Trois ans chez les Argentins de Romain dAurignac (Plon, 1890, PH 17/323).Très bel exemplaire.
SKU : 9501465