MAUZENS (Frédéric) . Le Coffre-fort vivant.
500,00 €Prix
Paris, Ernest Flammarion, éditeur, [nov.] 1907, in-4 (32 x 25 cm), percaline rouge, plats biseautés. Au premier plat, polychrome, dans le tiers supérieur gauche, un grand couteau (lame de 7 cm de long) fermement tenu par un poing solide, menaçant le narrateur et héros malgré lui (ou antihéros), Mathias Bernard, 56 ans, courant sur un globe terrestre où figure l'Australie, en perdant son chapeau, le torse enfermé dans un coffre-fort dont émergent sa tête et ses membres, avec au centre du coffre un diamant d'où partent une multitude de rayons dorés, titre en noir avec bordure dorée. Au second plat, motif géométrique ovale, au dos un médaillon doré représentant un policier de Los Angeles vu de profil (repris du dessin de la p. 255), tr. dorées (Magnier frères, relieurs), 312-(4) pp. ¦Édition originale et premier tirage des 114 compositions par Paul d'Espagnat, dont 26 hors-texte et le frontispice protégé par une serpente. Frédéric Mauzens, pseudonyme du comte Francis de Miollis (1874-1934), romancier et scénariste, a publié avec succès Le Coffre-fort vivant en feuilleton dans Le Figaro en décembre 1906 et janvier 1907, qui écrit que ce récit d'aventures "appartient au genre le plus rare qui soit aujourd'hui : le genre gai !" L'ouvrage a d'abord fait l'objet d'une édition in-12 chez Flammarion, publiée le 2 mars 1907 (selon la date portée au copyright), puis à la fin de la même année pour les étrennes 1908, d'une édition in-4, illustrée par le dessinateur humoriste Paul d'Espagnat. Visiblement écrit dans l'esprit des Cinq sous de Lavarède de Chabrillat et Paul d'Ivoi (1893), ce roman a amusé ses lecteurs, et a même reçu un accueil critique dans diverses revues littéraires qui lui consacrèrent des articles. "Un commis d'antiquaire avale par mégarde un diamant qui va se loger dans l'appendice du maladroit. Celui-ci, se refusant à toute intervention chirurgicale, devient un coffre-fort vivant que le reportage mondial rend célèbres dans les deux hémisphères. Pour échapper aux voleurs qui le guettent, il fuit en Australie. L'antiquaire et un policier l'y suivent, et, pendant six mois de la plus extraordinaire odyssée, le coffre-fort vivant parcourt l'Amérique, essayant en vain de dépister sa suite..." (Les Études, 1907 et Larousse mensuel, février 1939). Ce roman, décrivant un tour du monde frénétique où le héros fuit sa renommée médiatique involontaire, a été repris en feuilleton dans nombre de magazines illustrés et a même connu une édition anglaise en 1909. Il a été traduit dans de nombreuses langues dès sa parution. Pour la petite histoire, c'est en 1916 que ce récit retient l'intérêt du compositeur Ivan Caryll (1861-1921) qui en propose une adaptation à l'auteur dramatique Louis Verneuil (1893-1952), laquelle sera montée à Broadway en 1918 et aura 200 représentations ! Cette opérette est créée au Châtelet en 1938-39, la dernière création avant la guerre, et eut le jeune Jean-Christophe Averty comme spectateur, qui en sortit "vivement impressionné". L'ouvrage était visiblement conçu pour son adaptation scénique car les noms des futurs adaptateurs (Paul Gavault et Georges Berr) ainsi que le comédien Max Dearly sont mentionnés au cours du récit !Mauzens publia par la suite d'autres feuilletons populaires et entama une carrière de scénariste. Il était à l'occasion nègre de romanciers populaires comme Marcel Allain, et donna une suite aux aventures du Coffre-fort vivant en 1925. Le premier plat, sensationnel, de ce livre est l'occasion d'une curieuse variante. On rencontre en effet des exemplaires sans l'image du poing armé du couteau. Ce couteau impressionnant et menaçant le héros (on comprend qu'il détale à toutes jambes !) occupe tout l'espace entre le prénom de l'auteur et le titre. Est-ce que l'expression du crime et de la violence, sur la couverture d'un ouvrage à l'usage de la jeunesse, aurait été mal vue, et que ce plat aurait été "censuré" ? On ne rencontre aucune mention d'une polémique à ce propos dans la presse de l'époque. Il est possible que les deux versions aient été réalisées simultanément et que l'éditeur ait laissé les parents choisir laquelle ils préféraient. L'éditeur écrivait dans son argumentaire publicitaire, largement diffusé, que le livre était destiné à tous les publics : "Grands et petits, tous peuvent le lire, et les étrangers eux-mêmes le goûtent au point qu'à peine paru on le traduit en plusieurs langues." En 1907, les apaches commencent à être un fléau social dénoncé par les journaux, et la criminalité juvénile inquiète. Mais un livre pour enfants peut se permettre de représenter, sur sa couverture exposée à tous les regards, un couteau très réaliste, presque grandeur nature, fermement tenu dans un poing également menaçant, tout en laissant le choix d'une couverture alternative. D'autre part, ce couteau menaçant est une représentation symbolique : il n'est pas question dans ce récit ni d'apache, ni de meurtre. Ce couteau est à la fois une menace suspendue sur la tête du fugitif et l'instrument du chirurgien qui pourrait opérer le héros, pour extraire le diamant logé dans son appendice, chose qu'il refuse absolument en prenant la fuite. Et ce livre d'aventures trépidantes autour d'un antihéros malchanceux est essentiellement comique et divertissant.D'autre part, signalons que le plat historié du livre de Paul de Sémant, publié chez le même éditeur, Gaëtan Faradel, explorateur malgré lui, datant de la même époque, présente le même effet de rayons lumineux irradiant du centre de la composition. L'ouvrage de Mauzens a été réédité en 2019 par Archives et documents presse et feuilletons (ADPF)/Mi Li Re Mi avec un important dossier documentaire par Jean-Luc Buard (histoire de la publication du roman et de ses adaptations, dossier de presse, bibliographie des 57 éditions en toutes langues, etc.).Hubin, Crime fiction. Verneuil, Rideau à neuf heures (1944), 262, 279. Siclier, Un homme Averty. Librairie Quadr'arts, Catalogue n°9, 425 (variante du plat, reproduite en couleurs à la planche VIII). Extraordinaire plat historié, de grande fraîcheur.
SKU : 9500420