ROSSI (A . M . ) et MEAULLE (F . )L'Homme aux yeux de verre .
500,00 €Prix
Aventures au Dahomey. Tours, Alfred Mame et fils, 1892, in-4 (33 x 25 cm), percaline rouge, premier plat décoré d'une grande composition or, noir, vert et au palladium, représentant trois personnages, l'un missionnaire (Père blanc) debout montrant au jeune Paul le héros le marchand esclavagiste José Gonzalès, "l'homme aux yeux de verre" (porteur de lunettes) affalé sur des marchandises entassées sur le sol (caisses, ballots, jarre, tonneaux, défense d'éléphant), sur un arrière-plan de cases et de palmiers, dans un encadr ement de bambous, portant dans l'angle supérieur droit des serpents entremêlés (détail inspiré de la gravure de la p. 369), second plat orné de motifs géométriques noir formant encadrement, dos décoré d'une illustration en hauteur, un tronc d'arbre escaladé par un boa entre deux fétiches africains, avec le motif du bambou en tête et en pied, tr. dorées (A. Souze, graveur), 502-(2) pp., carte (p. 260), in fine : lexique du langage Nagos et du dialecte des Popos du Dahomey ¦Édition originale illustrée par BALDO, BRUN, MOUCHOT, TOFANI, BAYARD fils, A. SIMON, de HAENEN, de BÉRARD, RIOU, O. SAUNIER, E. MORIN, etc., gravées par F. MÉAULLE. Dans son ouvrage Aux sources du roman colonial (2006), J.-M. Seillan a analysé ce "roman d'aventures commerciales" : "Plus singulier qu 'on ne pourrait croire, ce roman oublié paru en 1892 repose sur le schéma manichéen, cher à Rocambole et au roman à thèse, des deux frères séparés et devenus adversaires. Émule de César Birotteau, Gonzalès est un ange de probité commerciale : ruiné par sa propre générosité, il part solliciter l'aide de son frère José, démon rapace et cruel installé comme traitant au Dahomey et enrichi par le travail de ses esclaves" (p. 430). Comme le personnage de José défend ses méthodes par des arguments relativistes, Seillan ajoute : "Le discours anti-esclavagiste, inefficace et périlleux quand il se place sur le terrain philosophique, est repris en charge par un Père blanc dans une perspective religieuse" (p. 431). "Aux missionnaires de restaurer en eux [les Africains ] ce qu'ont défait les musulmans" (p. 432). Fortuné Méaulle, graveur, peintre et littérateur, né en 1844 à Angers, est un artiste oublié. Comme dessinateur, il ne figure pas dans Osterwalder, mais Blachon le mentionne dans La Gravure sur bois au XIXe siè cle (2001). Il fut également romancier, illustrant ses propres ouvrages (voir Embs et Mellot, 100 ans de livres d'enfants, p. 272). Il demeure connu comme le graveur de l'oeuvre de Victor Hugo, "vivant dans l'intimité du maître et s'y pénétrant du souff le grandiose qui l'animait pour le faire passer dans ses admirables dessins", dit la Revue de l'Anjou (volume 40, 1900, p. 291). "Comme auteur il a publié sept volumes importants, parmi lesquels L'Homme aux yeux de verre, écrit à la demande du cardinal Lavigerie, et qui a obtenu un succès considérable", ajoute la Revue. Ses ouvrages pour la jeunesse sont publiés par Ducrocq et Mame, de 1887 à 1893 et par Gedalge en 1910. Cette mention du cardinal Lavigerie (1825-1892), fondateur des Pères blanc en 1868, chef de l'Église d'Afrique basée à Alger, qui s'est attaqué à l'esclavagisme et fut l'instigateur de la conférence antiesclavagiste de Bruxelles (1889-90), permet de restituer clairement cet ouvrage dans son temps, et d'expliquer les arguments antiesclav agistes qu'il contient et que défend dans le récit le R. P. Anselme, porte-parole du cardinal dans la fiction. Roland Lebel confirme : "Rossi et Méaulle s'aident en majeure partie des lettres des missionnaires de Lyon pour composer leur roman d'aventures au Dahomey (...) ; les auteurs n'ont pas seulement emprunté à ces journaux les descriptions de Wydah et d'Abomey, ils se sont aussi et surtout inspiré des exemples donnés par les missionnaires eux-mêmes pour magnifier, à la faveur de leur histoire, l'oeuvre humanitaire que ces modestes représentants de la France et de la chrétienté ont mené dans ces contrées barbares" (Lebel, L'Afrique occidentale dans la littérature française, p. 187), tandis que le sérieux documentaire est souligné par un autre commenta teur : "L'un des auteurs, M. Rossi, a longtemps vécu au Dahomey et il en a rapporté des notes les plus intéressantes, des croquis, des photographies, des dessins..." (Revue d'art dramatique, 1er janvier 1892, volume 25, p. 54, "Livres d'étrennes"), matériau abondamment utilisé pour l'illustration du texte. Loin d'être un banal roman d'aventures, cet ouvrage s'avère bien plus riche qu'il ne paraît au premier abord, lorsqu'il est apprécié dans une perspective historique, laquelle donne tout son sens au remarquable plat historié qui l'enrichit, et qui montre, sous une forme lisible par le public juvénile à qui il est destiné, les enjeux idéologiques du combat antiesclavagiste mené par les missionnaires en Afrique, au nom de la civilisation et de l'humanité ( l'expression de J.-M. Seillan de "roman à thèse" est finalement appropriée, pour un problème toujours d'actualité...). Ce plat historié, de surcroît, est inédit, c'est-à-dire qu'il est spécialement composé pour la couverture sans reprendre aucune gravure intérieure (quoiqu'il s'inspire de celle de la p. 363), tout en restituant avec force le sens général du récit. Sur le Dahomey, voir aussi PH51, Badin. Gouttière intacte, probablement jamais lu. Cartonnage de très grande fraîcheur. État général éblouissant.
SKU : 9500468