SALGARI (Emilio). Le Trésor de la Montagne d'Azur .
300,00 €Prix
Paris, Librairie Ch. Delagrave, [1908], gr. in-8 (30,5 x 21,5 cm), percaline verte, bords biseautés. Au premier plat, polychrome, radeau en mauvais état, portant quatre naufragés (de l'Andalousie, parti du Chili) dont le capitaine et Mina, porté par une vague énorme, approchant d'une île à lhorizon (ill. p. 69), dans les parages de la Nouvelle-Calédonie. Au second plat, paon à froid, au dos, tête d'une idole indigène (Kanak) en haut, et profil de l'île en bas, tr. dorées, 299-(5) pp. ¦Édition originale illustrée de 20 dessins par René Giffey.Traduction de Il tesoro della montagna Azurra (1907) par J. Fargeau.Naufrage, île perdue, richesses fabuleuses : ce roman daventures des mers du Sud joue sur lindifférence des indigènes pour le métal précieux qui attire les voyageurs et explorateurs occidentaux : « Le capitaine de Belgrano fit naufrage sur les côtes de Nouvelle-Calédonie, devint chef de tribu, et régna sur un merveilleux pays où l'or, très abondant, n'avait aucun usage. Durant quatre ans, il amoncela les pépites d'or dans les flancs de la Montagne d'azur, située sur son territoire. Puis il s'embarqua pour retrouver ses enfants. Une tempête engloutit son embarcation et, se sentant perdu, il jeta à la mer, en des barils miraculeusement sauvés, le testament par lequel il léguait à Pedro et à Mina l'immense trésor de la Montagne d'azur. Le livre raconte les aventures arrivées aux enfants du capitaine. » (Le Correspondant, 1908).Limage très dévalorisante du Kanak dans la littérature occidentale a été étudiée par Roger Boulay dans Kannibals et vahinés : imagerie des mers du Sud (Éd. de l'Aube, 2000), thème qui donnera lieu à une grande exposition qui a fait date, de mai à octobre 2000, au Centre culturel Tjibaou (Nouméa, Nouvelle Calédonie), puis au Musée national des arts d'Afrique et d'Océanie (Paris), du 23 octobre 2001 au 18 février 2002, avec édition dun catalogue sous la direction de Roger Boulay (Réunion des Musées Nationaux, 2001).« Cette exposition est faite pour la joie de briser le clichés, de détruire limagerie, de tordre le cou aux stéréotypes et de rencontrer des hommes et des femmes dans la vérité de leurs destinées. » (Cité dans Le Rocambole n°17, 2001, p. 153).« Quel étonnant regard croisé, pour ne pas dire paradoxal : dans limagerie européenne héritée du XIXe siècle, lhomme « kanak », ainsi désigné dans tout le Pacifique, est terrible, laid et méchant (mais est-il même un homme ?). De plus, il a pour vis-à-vis la vahiné exquise, menue, fleurie, accueillante, ravissante, et ravisseuse du Blanc égaré sur ses plages... Ce « carnet de voyage » dans lhistoire imaginaire des mers du sud et dans la constitution dune imagerie et de stéréotypes qui nous gouvernent toujours est illustré par un choix de textes et dillustrations. »Louvrage de Salgari a droit à deux mentions dans Kannibals et Vahinés (2000), et à deux citations, permettant de souligner le type didées reçues courantes concernant les peuplades du Pacifique aux yeux des voyageurs : la première concerne les mœurs supposés de ces peuples : « Dans Le Trésor de la montagne dazur, de Salgari, les naufragés se battent avec des squales avant même de prendre pied à terre. Dès quils le font, le capitaine prévient : « Noubliez pas que nous sommes dans un pays peuplé danthropophages ».Boulay commente : « « Le rapport qui lie requins et cannibales tient aussi aux multiples descriptions, aisément disponibles dans la littérature anthropophagique de lépoque, qui décrivent les rituels salomonais dans lesquels la familiarité des sauvages avec les requins est attestée. Le fait est largement repris dans la littérature daventure. »Roger Boulay relève un autre invariant de la littérature daventures, qui rejoint la réprobation des missionnaires quant aux cultes barbares des indigènes, et leurs idoles. « Lappréciation missionnaire rejoint celle des voyageurs qui utilisent les mêmes mots pour les décrire puisque la laideur, quelle soit ou non dinspiration satanique, est infernale : « faces de masques démoniaques ». « Au milieu, une roche centrale portait la grossière statue dune affreuse divinité. Cétait celle du dieu Tiki, monstre aux jambes torses, à la tête effroyable. » (p. 155, avec illustration).Lillustrateur René Giffey (1884-1965) a débuté chez Delagrave en 1904 et sest spécialisé dans le roman daventures : il illustre Les Jumeaux du Transvaal de Paul Roland (1909), LEpopée française de Georges dEsparbès (1910), plusieurs romans de Maurice Champagne (Les Sondeurs dabîmes, 1911 ; Huit millions sous les flots, 1912, LIle du solitaire, 1913 (PH 34/640), La Vallée mystérieuse, 1915), Les Aventures de Jean Cocasse de Dominique Bonnaud (Delagrave, 1932, PH 43/771), ou Le Roman du Mont-Saint-Michel de Charles Le Goffic et Norbert Sevestre (1934, PH 41/755). Mais il nillustre pas La Perle de sang de Salgari (1909), contrairement à ce quaffirment les annonces de léditeur. Pour Le Trésor de la Montagne d'Azur, ce dernier a choisi de ne pas reprendre les dessins de lédition italienne, dûs à Alberto Della Valle et den confier lillustration à Giffey, mais lannée suivante, il reprend les dessins de lartiste italien pour La Perle de sang.Bel exemplaire.
SKU : 9501238